Le contexte : une surcharge bien réelle
En Grèce – considérons ce seul cas – les élèves ne manquent pas d’activités : école le matin, φροντιστήρια l’après-midi, devoirs dans plusieurs matières, examens à préparer... Le FLE, souvent en bout de chaîne, souffre parfois d’un manque d’investissement. Non pas par désintérêt, mais par épuisement.
Christos, professeur de collège, témoigne :
« J’avais donné un petit résumé à faire. Seule une élève me l’a rendu. Les autres m’ont dit : « On avait trois contrôles demain, on n’a pas eu le temps. »
Les arguments POUR les devoirs
Lorsqu’ils sont bien conçus, les devoirs :
– renforcent la mémorisation et l’automatisation,
– entraînent à l’autonomie,
– préparent mieux les élèves à des certifications (DELF, ΚΠγ, etc.),
« Je donne une phrase à écrire ou à corriger après chaque séance de cours. C’est très léger, mais les élèves en difficulté progressent doucement. »
Les arguments CONTRE
Plusieurs limites apparaissent :
– Surcharge cognitive : les élèves sont déjà très sollicités.
– Travail impersonnel : entre les parents qui aident trop, les devoirs copiés ou carrément générés par ChatGPT, l’intention pédagogique se perd.
– Inégalités sociales et matérielles : certains élèves disposent d’une chambre calme, d’un bureau et d’une connexion internet. D’autres doivent composer avec du bruit, peu d’espace ou des tâches familiales à assurer.
« J’ai réalisé que je donnais mes devoirs comme si tous mes élèves vivaient dans les mêmes conditions à la maison… Ce n’était pas le cas. »
Vers une troisième voie : des devoirs… autrement
Et si on changeait de posture ? Voici quelques pistes concrètes, toutes testées par l’un ou l’autre collègue :
– Tâches courtes et claires : mieux vaut faire produire une phrase ciblée qu’un long texte, vite recopié.
– Micro-tâches orales : enregistrer une phrase, poser une question en français à un proche, commenter une photo.
– Devoirs différenciés : proposer trois devoirs, chacun choisit celui qu’il préfère.
– Activités créatives : prendre une photo et écrire une légende, créer une mini-BD, illustrer un mot nouveau.
– Travaux collaboratifs : travail à deux, en présentiel ou à distance.
– Devoirs facultatifs mais valorisés : affichés, lus à voix haute, commentés.
Je donne parfois un « devoir bonus » : facultatif mais noté si rendu. Certains élèves adorent ce côté « à moi de choisir ».
On pourrait aussi passer aux devoirs « version classe inversée ».
Avec la classe inversée, les devoirs préparent plutôt qu’ils ne répètent. L’élève découvre la notion à la maison, le professeur approfondit en classe. Par exemple :
– À la maison : écouter un dialogue, regarder une vidéo de 2 minutes, lire un très court texte.
– En classe : réutiliser ces éléments pour un jeu de rôle, une discussion ou une production.
« Je demande d’écouter un podcast à la maison. Le lendemain, on joue la scène en binôme, chacun réutilise les phrases entendues. »
Ce modèle :
– valorise l’autonomie,
– évite la surcharge d’écriture,
– favorise la participation en classe.
La question à poser est, non pas « pour ou contre ? », mais « dans quel but ? »
Il ne s’agit pas d’abandonner ou non les devoirs, mais de redéfinir leur place :
– Quels objectifs pédagogiques poursuivons-nous ?
– Quelle charge est raisonnable pour nos élèves ?
– Comment rendre les devoirs utiles, motivants [1] et accessibles à tous ?